Notre nouvelle collaboratrice, Claudia-Ève Therriault, signe son premier billet d’une série de trois, portant sur des aspects clés pour une meilleure santé mentale en s’intéressant plus particulièrement au portrait actuel de la santé mentale des étudiants-athlètes, à la recherche d’aide et à la construction identitaire de ceux-ci.
Au cours des dernières années, nous avons vécu une période inédite, alors qu’à travers la planète, nous étions tous plongés dans un isolement imposé. Malheureusement, les recherches actuelles démontrent que cette situation aurait exacerbé les problématiques de santé mentale préexistantes, et provoqué l’apparition de nouvelles difficultés chez la population adolescente. De façon plus concrète, la proportion d’adolescents qui présentent des symptômes liés à la dépression, des niveaux d’anxiété caractérisés de modéré à sévère ou qui se disent simplement être moins épanoui est en augmentation depuis. (Giroux et al., 2021)
Au même moment, nous vivions ma famille et moi, une expérience personnelle unique en tant que famille de pension pour une organisation sportive de notre région. Cette expérience m’aura incitée à m’intéresser de manière plus spécifique, à la santé mentale des athlètes masculins. Sans surprise, le portrait est tout aussi préoccupant chez la population sportive, alors qu’une récente étude du bien-être des étudiants-athlètes de la NCAA a démontré des préoccupations similaires. Les problématiques de santé mentale telles que la dépression, l’anxiété et le sentiment d’épuisement mental, y seraient aussi, jusqu’à 2 fois plus élevée qu’avant la pandémie (Hamstra-Wright et al., 2024).
L’environnement sportif, un facteur de vulnérabilité à considérer
Chez les étudiants-athlètes, des facteurs de stress liés à l’environnement sportif les rendent vulnérables à certaines problématiques de santé mentale (Cosh et al., 2023). Et certaines exigences propres à la population sportive, notamment à l’égard de la gestion des attentes, de l’importante charge d’entraînement, de la récupération lors de blessures et de la spécialisation accrue à un plus jeune âge accentuent l’importance de considérer les problématiques de santé mentale et le risque suicidaire chez cette population (Hamstra-Wright et al., 2024). La spécialisation sportive précoce ou prématurée (SSP) mentionnée par ces auteurs, est devenue au cours des dernières années, une préoccupation importante au sein de certaines fédérations sportives puisqu’elle présenterait aussi des effets psychologiques négatifs chez les élèves-athlètes. Notamment, en raison des objectifs, souvent orientés vers l’égo et axés sur les critères de performance et les résultats. Par ailleurs, ce type de climat d’entraînement représente aussi un facteur de risque quant à l’apparition d’une problématique d’anxiété de performance chez les jeunes athlètes (Verret & Massé, 2021).
De plus, les adolescents présentant une SSP et impliqués dans la pratique sportive populaire, par exemple le hockey, sport national des canadiens, auraient tendance à s’identifier aux jocks (Pelletier & Lemoyne, 2020), terme anglophone et stéréotype, utilisé pour décrire un jeune homme athlétique, absorbé par le sport et la culture sportive et présentant peu d’intérêt à l’égard des activités intellectuelles (Miller, 2009). Ces jeunes athlètes seraient aussi, plus enclins à s’engager dans des comportements de consommation abusive d’alcool, d’inconduite en milieu scolaire, de délinquance et de comportements sexuels jugés irresponsables (Pelletier & Lemoyne, 2020).
L’adolescence est une période charnière dans la construction identitaire et l’exploration de soi. Elle survient souvent au moment où l’athlète se trouve le plus impliqué dans l’évolution de sa carrière sportive. La dimension psychologique que représente cette situation s’avère donc un aspect important à explorer dans le processus de construction identitaire des étudiants-athlètes (Côté, 2022). Ainsi, comme le mentionne Florence-Agathe Dubé-Moreau, écrivaine et conjointe de l’athlète Laurent Duvernay-Tardif dans son plus récent livre, le sport ne serait pas seulement qu’un produit culturel, mais également, et surtout, un producteur culturel (Dubé-Moreau, 2023). Comprendre l’influence du contexte sportif sur la société, notamment par les codes et valeurs véhiculés, s’avère ainsi essentiel. Une réflexion s’impose face aux aspects toxiques et virils de cette masculinité, particulièrement quant à la souffrance, à la violence et à la solitude qu’elle engendre chez les garçons et les hommes (Dubé-Moreau, 2023). Des changements permettant la construction d’une identité « masculine positive » telle que décrite par Plank (2021) s’avèrent donc essentiels au bien-être collectif et plus particulièrement à celui de nos étudiants-athlètes. Plus que jamais, il devient nécessaire de réfléchir collectivement, en allant au-delà du simple divertissement que nous procurent les performances de ces jeunes athlètes, et en s’intéressant aux enjeux de santé mentale qui en découlent pour nombres d’entre eux.
Claudia-Ève Therriault B.Sc.Inf. – Étudiante à la maîtrise en sciences infirmières
Collaboration : Nathalie Maltais inf. Ph.D
Références
Cosh, S., McNeil, D., Jeffreys, A., Clark, L., & Tully, P. (2023). Athlete mental health help-seeking: A Systematic review and meta-analysis of rates, barriers and facilitators. Psychology of Sport and Exercise, 102586.
Côté, M. (2022). Identité athlétique chez les athlètes de haut niveau: étude qualitative par les récits de vie. Université du Québec à Trois-Rivières.
Dubé-Moreau, F.-A. (2023). Hors jeu : chronique culturelle et féministe sur l’industrie du sport professionnel. Remue-ménage.
Giroux, M., Bacque-Dion, C., Bélanger, R., & Haddad, S. (2021). L’évolution de la santé mentale des adolescents au cours de la pandémie COVID-19. Une analyse des cohortes scolaires COMPASS-Québec.
Hamstra-Wright, K. L., Coumbe-Lilley, J. E., & Bustamante, E. E. (2024). Preventing suicide and promoting mental health among student-athletes from diverse backgrounds. Journal of sport rehabilitation, 1(aop), 1-6.
Miller, K. E. (2009). ‘THEY LIGHT THE CHRISTMAS TREE IN OUR TOWN’: Reflections on Identity, Gender, and Adolescent Sports. Int Rev Sociol Sport, 44(4), 363-380. https://doi.org/10.1177/1012690209342007
Pelletier, V. H., & Lemoyne, J. (2020). Exploring the impacts of early sport specialization among Québec’s adolescent hockey players. Journal of Expertise, 3(1), 41-54.
Plank, L. (2021). Pour l’amour des hommes : dialogue pour une masculinité positive. Québec Amérique. Verret, C., & Massé, L. (2021). Étude microsystémique des facteurs influençant l’anxiété de performance de l’élève athlète. Revue phénEPS/PHEnex Journal, 12(2).